Les oeuvres de René Lalique (1860-1945) sont présentées dans une cinquantaine de musées à travers le monde. En France, aucun équipement n’était spécifiquement dédié à cet artiste de génie. Cette injustice est aujourd’hui réparée avec l’ouverture, depuis le 2 juillet 2011, d’un musée à Wingen-sur-Moder (Alsace), là même où René Lalique choisit de construire une usine au lendemain de la Première Guerre mondiale.
« Je travaillais sans relâche (…) avec la volonté d’arriver à un résultat nouveau et de créer quelque chose qu’on aurait pas encore vu.«
« Il faut mettre à la portée (du peuple) des modèles qui éduqueront son oeil, il faut vulgariser la notion esthétique. » (René Lalique)
Artiste révolutionnaire, joaillier exceptionnel et grand maître du verre, René Lalique compte parmi les grands créateurs de l’Art nouveau et de l’Art Déco. Né en 1860 à Aÿ en Champagne et décédé en 1945 à Paris, celui que Maurice Rostand avant surnommé le « Rodin des transparences » vécut en réalité deux vies d’artistes successives: celle d’un bijoutier et celle d’un maître-verrier.
Puisant son inspiration dans la nature et ayant l’audace d’utiliser le corps féminin comme élément d’ornementation, René Lalique apporta à la joaillerie des renouveaux imprévus. Ainsi, il n’hésita pas à associer à l’or et aux pierres précieuses des matières jusque là peu utilisées et peu considérées, telles que la corne, l’ivoire, les pierres semi-précieuses, l’émail et bien entendu le verre. A ses yeux, mieux valait la recherche du beau que l’affichage du luxe. L’esprit reprenait le pas sur la matière…

René Lalique, Ornement de corsage Jasmin, vers 1899-1901, © Shuxiu Lin - Collection privée Shai and Shuxiu Lin Bandmann

René Lalique, Broche nymphes et chauve souris, vers 1902-1903, © Studio Paquebot - Collection Shai et Shuxiu Lin Bandmann
Apprécié au plus haut point par la comédienne Sarah Bernhardt ou par l’homme d’affaires britannique d’origine arménienne, magnat du pétrole, mais aussi collectionneur averti Calouste Sarkis Gulbenkian (Musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne), René Lalique fut révélé au grand public à l’occasion du Salon de 1895. Et trois ans plus tard, présenté par Émile Gallé comme l’inventeur du bijou moderne, il connut un triomphe sans égal à l’exposition universelle de 1900. Mais le verre attirait de plus en plus René Lalique, dont les premières expérimentations remontaient aux années 1890.
En fait, si le bijoutier Lalique utilisa progressivement le verre, c’était pour remplacer les gemmes. Translucide et transparent comme elles, il avait en effet l’avantage de pouvoir être conçu et fabriqué en fonction d’un projet final. René Lalique crée également de petits objets, vases et sculptures, selon la technique de la cire perdue. Avant d’expérimenter, un peu plus tard, la technique du soufflage dans un moule, mais un moule précieux, en argent ciselé, restant solidaire du verre qu’il enserre pour devenir monture.
Sa rencontre avec François Coty va lui ouvrir de nouveaux horizons. Non seulement elle va l’amener à créer et à produire des flacons de parfum, mais une véritable révolution technologique et commerciale s’opère. Grâce à l’inspiration et l’habilité de l’artiste, des pièces fabriquées en série accèdent au statut incontestable d’oeuvre d’art. Une manière de perpétuer la philosophie de l’Art nouveau qui voulait réconcilier Art et industrie.
Peu à peu, René Lalique va diversifier sa production. En 1912, maîtrisant parfaitement les techniques, il décide de se consacrer de façon exclusive au verre. Il organisa alors sa dernière exposition de bijoux et le grand public le découvrit maître-verrier.

René Lalique, Vase Bacchantes, Réédition d'une création de 1927, Collection Musée Lalique, Wingen-sur-Moder, Don de la Maison Lalique
Crée en 1927 par René Lalique, le vase Bacchantes demeure un des fleurons de la marque. Aujourd’hui, ce vase est décliné en cristal satiné, noir, gris et ambre.
1800: c’est le nombre de vases Bacchantes produits par an. 30: c’est le nombre d’heures de travail nécessaires à la réalisation du vase. 25: c’est le nombre de personnes qui interviennent dans le processus de production de l’objet. Ci-dessus le polissage, ultime étape de finition, qui confère à la matière son poli et toute sa brillance. Réalisé avec une meule lustrante, il permet de redonner de la lumière et d’accentuer certains reliefs. L’opposition entre le mat et brillant rend les pièces plus vivantes.
Si René Lalique fut un maître verrier de génie, on n’oubliera pas que ses réalisations architecturales contribuèrent aussi et pour beaucoup à son succès. Mentionnons pour mémoire sa participation à la décoration du paquebot « Ile de France » (1922); sa participation à l’Exposition des Arts décoratifs à Paris en 1925, à l’occasion de laquelle il réalisa, outre son propre pavillon, le décor d’une salle à manger pour le pavillon de la Manufacture de Sèvres où l’on pouvait admirer non seulement une table, des chandeliers et un service de verres sortis de ses ateliers, mais encore un plafond lumineux à caissons entièrement en verre. Pour cette occasion, il créa également une fontaine dite des « Sources de France » d’une hauteur de 15 mètres, ornée de cariatides et que l’écrivain Colette qualifia de « Fontaine Merveilleuse ». En 1928, René Lalique est pressenti pour décorer plusieurs wagons Pullman pour la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. En 1930, il réalise la décoration du choeur de la chapelle du couvent de la Délivrande à Caen. Oeuvre classée Monument Historique depuis 1987. En 1932, il réalise la décoration intérieure de l’église Saint-Matthew à Jersey. En 1934, les vitraux de l’église Saint Nicaise, à Reims. En 1936, la décoration (luminaires de verre) de la salle à manger de première classe de l’inoubliable paquebot « Normandie », véritable musée flottant. Mais René Lalique est encore l’auteur des portes de la grande salle de réception du palais d’un prince impérial japonais, amateur d’Art Déco, construit au début des années 30 et devenu aujourd’hui le Musée Teien de Tokyo (Musée Teien de Tokyo).
Lalique, c’est plus qu’un nom, c’est une famille sur trois générations. Après René Lalique (1860-1945), c’est son fils Marc (1900-1977) qui lui succédera en 1945. Il restera dans l’histoire de Lalique celui qui, après avoir rénové l’usine de Wingen-sur-Moder endommagée par la guerre, remplacera le verre par le cristal. Marie-Claude Lalique (1935-2003), troisième générations de créateurs, deviendra en 1977 à la mort de Marc, son père, l’artiste de l’entreprise jusqu’en 1996.

Marie-Claude Lalique, Vase Orchidées, 1978, Collection Musée Lalique, Wingen-sur-Moder, Don de la Maison Lalique, © Lalique SA
En 1962, Yves Klein avait acquis des moulages de « La Victoire de Samothrace » et fait apparaître, grâce au révélateur bleu, l’effervescente sensibilité de sa chair.
En 2011, l’artiste aurait eu 83 ans. Pour lui rendre hommage, Lalique (Lalique SA, Paris) produisit une édition limitée en cristal à 83 exemplaires de cette sculpture emblématique de l’antiquité grecque magnifiée par celui qui, le 27 octobre 1960, dans son atelier avec Pierre Restany, fonda le groupe des Nouveaux Réalistes.
Le Musée Lalique de Wingen-sur-Moder
Réalisé par l’Agence Wilmotte (Agence Wilmotte & Associés SA), le musée Lalique s’inscrit dans un cadre paysager tout à fait exceptionnel. Il est en effet aménagé sur les lieux mêmes de l’ancienne verrerie de Hochberg, en activité aux XVIIIème et XIXème siècles.
La visite de l’usine (actuellement en pleine restructuration) n’est pas possible. On le regrettera car le travail des ouvriers, dont plusieurs « Meilleurs Ouvriers de France » (350 personnes au total, un tiers de femmes, deux tiers d’hommes) est si remarquable, si fascinant, qu’il prépare, en la magnifiant, la visite du musée. Visiter l’usine de Wingen-sur-Moder, c’est plonger dans l’univers vertigineux du travail manuel porté à son plus haut degré d’incandescence. Car si « le verre est le secret du sable, du feu et de la sueur des hommes » (Tourangeau le Disciple de la lumière, Compagnon vitrier, 1910-1985), la visite d’une telle usine peut à elle seule être source de vocations pour des jeunes avides de s’accomplir. Mais un film a été réalisé en 2009 par Camille Guichard. Son titre: « Lalique, sculpteur de cristal « . Ce DVD de 26 minutes est disponible à la librairie du musée.
Horaires d’ouverture:
Du 2 juillet au 30 septembre 2011: tous les jours de 10 heures à 19 heures.
Du 1er octobre au 31 mars: du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.
Le musée est ouvert tous les jours de 10 heures à 19 heures pendant les vacances scolaires.
Musée Lalique, Rue de Hochberg F – 67 290 Wingen-sur-Moder.
Tel: +33 (0)3 88 89 08 14 – info@musee-lalique.com – Musée Lalique, Wingen-sur-Moder (Alsace)
Pour plus d’informations:
Office de Tourisme Intercommunal du Pays de la Petite Pierre, 2a, rue du Château – 67290 La Petite Pierre.
Tel: +33 (0)3 88 70 42 30 – otpayslpp@tourisme-alsace.info – http://www.otpaysdelapetitepierre.com